"Après trois jours de procès, Maixent Dion a été condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle, hier, pour le meurtre de Bertrand L., tué de vingt-huit coups de couteau à Joué-lès-Tours en 2018.
Cour d’assises d’Indre-et-Loire Comment insuffler un peu d’humanité au milieu de l’horreur et de l’indicible ? Pendant plusieurs heures, hier, plaidoiries et réquisitoire se sont efforcés de ramener à hauteur d’homme le procès de Maixent Dion, accusé du meurtre de Bertrand L. « Tout sordide que puisse être un crime, c’est rarement un monstre qu’on a en face soi », rappelle Joël Patard, l’avocat général. Inaudible pour les proches de la victime, profondément blessés par ces deux jours de procès. Les yeux rougis de larmes, ils ont souffert du récit de la longue agonie de leur père et mari, tout comme la description de ce « corps supplicié », lardé de vingt-huit coups de couteau dans la nuit du 11 au 12 décembre 2018 à Joué-lès-Tours, puis « abandonné à sa putréfaction » sous un lit. « Ne le réduisez pas à l’acte qu’il a commis »Un corps si abîmé que la famille ne sera jamais autorisée à y poser les yeux. « On ne leur a pas permis de dire au revoir car on a laissé le corps pourrir pendant cinq jours. C’est tellement monstrueux de leur avoir enlevé ça », s’indigne Me Émilie Vinqueur. Pour les avocats des parties civiles et le ministère public, l’intention meurtrière ne fait pas l’ombre d’un doute : « La violence, l’acharnement et la multiplicité des coups montrent une volonté criminelle », martèle Joël Patard. À l’issue de deux heures de délibération, la cour d’assises d’Indre-et-Loire condamne Maixent Dion à dix-huit ans de réclusion criminelle. Deux années de moins que les réquisitions du ministère public. Une décision qui fait écho aux prières des deux avocats de la défense : « Ne le réduisez pas à l’acte qu’il a commis. » Patiemment, point par point, les deux conseils de Maixent Dion ont déconstruit l’image du meurtrier sanguinaire, dont le comportement impassible a inquiété du côté des parties civiles. À ce sujet, Me Béatrice Bordone-Dubois indique que son client est sous traitement « pour réguler ses émotions » après ses trois tentatives de suicide, survenues pendant sa détention : « Non pas pour échapper à la justice, mais car il ne supporte pas d’avoir commis cet acte. » Depuis le premier jour, Maixent Dion reconnaît les coups portés et exprime ses profonds regrets : « Je n’ai jamais voulu le tuer, assure-t-il avant la clôture des débats. Je n’ai pas caché les choses. » Les accusations d’agressions sexuelles à l’encontre de la victime ont particulièrement ému les parties civiles, vécues comme un traumatisme supplémentaire. « Cette agression, ce n’est pas la vérité. Salir l’image d’un père et d’un mari, c’est inacceptable », s’emporte Me Catherine Gazzeri-Rivet, conseil d’un des deux fils de Bertrand L. Deux versions des faitsPourquoi le quinquagénaire a-t-il brutalement décidé de mettre à la porte cet étudiant qu’il hébergeait depuis plusieurs jours, ce soir-là ? Était-il contrarié de voir rejeter ses avances ou par le passage de Maixent Dion en cellule de dégrisement ? Jusqu’à la fin, ces deux versions se sont affrontées devant la cour d’assises. « Dans les deux cas, on retrouve l’alcool et le rejet, les deux facteurs du passage à l’acte », remarque la défense. Trois ans après les faits, les victimes collatérales sont nombreuses. Une voisine hantée par les hurlements, un témoin choqué par la découverte du corps, un homme privé de son époux, et deux fils de leur père. L’heure est désormais à la reconstruction, autant qu’elle est possible. Les plaidoiries en trois phrases : Me Catherine Gazzeri-Rivet, avocat des parties civiles : « Vous avez donné vingt-huit coups de couteau, mais en fait, vous en avez donné trois de plus de ce côté-là de la cour d’assises. » Me Thibaut Pasquire, avocat de la défense : « Quand vous partirez délibérer, n’oubliez surtout pas la vie de Maixent Dion et son rêve d’une vie meilleure qui s’est évanoui pour toujours. » Me Béatrice Bordone- Dubois, avocat de la défense : « Quand il nettoie l’appartement et cache le corps, ce qu’il cherche à fuir ce n’est pas tant la justice que sa culpabilité. »
Nouvelle-République - 30 juin 2022
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